Date: 2 février 2168 Lieu: Kapakova base principale du Riskines
Qui es-tu vraiment ?L’attente. Les doigts tapotant lentement, dansant sur un rythme invisible. Le cerveau s’occupant comme il pouvait, meublant, intérieurement, le silence de questions sans sens. "Pourquoi le plafond est aussi haut ? Est-ce qu’on pourrait faire un trou dans le mur ? Est-ce que les dieux copulent entre eux ? Est-ce qu’on peut baiser un dieu ?". Odsa, le fennec au pelage blanc, enchaînait les allers-retours dans la vaste salle. Deux soldats, deux ombres, immobiles et silencieuses sentinelles, gardaient l’unique entrée. Une entrée sans portes, seulement un immense trou d’où débouchait un couloir obscur et semblant sans fin. Couloir desservant la majorité des salles de Kapakova, si ce n’était toutes. Enfin, une silhouette apparut dans le lointain. Les doigts stoppèrent brièvement leur danse, puis la reprirent. Il ne fallait pas être un génie pour deviner l’identité de l’arrivant. Askari n’avait fait demandé qu’une seule personne, et la silhouette correspondait. Assise dans son imposant trône, taillé dans la pierre, elle le regarda approcher sans mot dire. Seules quelques bougies éclairaient son avancée.
La Nomon attendit qu’il se soit arrêté pour parler. Kyo n’allait pas prendre la parole en premier, elle le savait. Tout le monde le savait. Même les murs le savaient. Il n’y avait pas trente six mille muets dans le Riskines. Peut être trois ou quatre. Il n’était pas toujours facile de collaborer avec eux, mais ils faisaient de parfaits espions.
"Kyo. Le dresseur de corbeaux muet. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous…voir."
Uniquement à sa cérémonie d’intronisation, mais il y avait beaucoup de monde. Askari n’avait pas eu, réellement, le temps de bien l’analyser. Elle ne le connaissait pas bien pour l’instant, et voulait régler ce problème. Elle préférait savoir qui elle dirigeait,
"Il parait que tu t’occupes bien des corbeaux, que ton travail frôle l’exemplarité. Et pour cela, je t’en félicite."
Askari se pencha en avant, ses lèvres s’étirant en ce qui avait l’apparence d’un sourire. Odsa sauta sur ses genoux, elle le caressa doucement entre les oreilles.
"Mais une question me taraude. Ton mutisme, par quoi il est causé ? Tu n’es pas obligé d’en parler, même si les dieux seraient, sûrement, fort mécontents qu’il y ait des secrets entre un fils et sa mère."