Un rocher. Imposant. Majestueux. Spectateur. Un homme plus loin, criant, sur les gens, sur le vide, dans le vide. Peut être par peur des autres, pour éloigner tous ceux qui oseraient l’approcher. Un homme seul avec ses pensées, ses souvenirs et les fantômes du passé. Un passé qu’il revit, revoit souvent.

“Plus fort ! Tu tapes comme une fillette ! C’est tout ce que t’as dans le ventre ?”

Un petit garçon s’acharnant sur un bouclier tenu par son père. Le Graungeda, le clan de sa famille, il l’a à peine connu, envoyé dès qu’il savait marcher à la Gueule de Loup, berceau de la Meute. Entraîné, formé, formaté, il ne connaîtra que cela pendant longtemps, le combat, ne se lever que pour se battre un autre jour, pour protéger les siens, les autres. Il construira un lien que beaucoup envieront avec Trigplei, le loup qui le suivra partout pendant un long moment.

Les cris. Un bruit de fond étouffé. Plus rien ne comptait. Plus rien à part le corps sous ses yeux. La fourrure encore chaude se refroidissant lentement, le sang semblant tout recouvrir, le museau, la gueule, les pattes, le poitrail, le flanc. Les larmes brouillant la vision. Le manque d’air, l’impression d’étouffer, d’être déchiré de l’intérieur, ne plus savoir quoi faire, attendre, espérer un miracle. Le petit garçon devenu homme finit par détourner le regard, pour ne voir que d’autres corps, que d’autres pertes. Et le Mount Weather, encore debout, insolent et moqueur. L’homme, cette tête brûlée qui fonçait tête baissée peu importe le combat, les ennemis, ne quitta jamais ce champ de bataille. Son corps finit par partir, mais une part de son esprit y resta, éternellement bloqué avec sa femme, son futur enfant et son loup, ne pouvant se résigner, accepter leur disparition, si rapide, si inattendue. Le reste de son esprit en ressortit plus sage, plus disposée à réfléchir avant d’agir, plus vulnérable.

La dissolution de la Meute. Un autre coup dur. Le choix de rester, de s’occuper des descendants, de laisser partir sa famille, d’accepter de peut être ne jamais la revoir. S’habituer progressivement, à la solitude, à l’attente. Trigplei et Anna toujours à ses côtés, fantômes aimants et cruels.

Un autre cri. Il n’y a plus que ça à faire. Crier et attendre.