Nous avions tous vu un énorme point brillant dans le ciel, mêlé de flammes et tonnant comme l'orage. Certains membres de mon peuple avaient d'abord cru à la manifestation de notre dieu Felignis. Mais Pantéa avait été bien claire. Il s'agissait d'autre chose. Nos éclaireurs avaient étés formels, un nouveau groupe était arrivé sur un territoire convoité entre Azgeda, Trikru et Graungeda. Ces nouveaux arrivants venaient du ciel eux aussi mais comportaient bien plus d'adultes. Si ce groupe ne m'intéressait en rien, c'était parce que la première navette satisfaisait déjà ma curiosité. Depuis le jour de leur arrivée, ces jeunes étaient surveillés par les miens. Nous avions laissés nos symboles sur les troncs des arbres pour revendiquer le territoire et protéger ce peuple du ciel d'une potentielle offensive.

Aujourd'hui, j'avais laissé le peuple à ma mère pour partir en expédition. Accompagnée de Nyrne, ma jument blanche, j'étais vêtue d'une tenue de voyage brune en cuir léger, en peau non tannée ainsi que de la fine laine tressée. Je portais autour du coup une dent de Seneik - la créature la plus dangereuse du Fayakru - et mes divers tatouages géométriques étaient apparents. Je passais à cheval dans la forêt à deux kilomètres de la navette afin de vérifier si les marques des arbres n'avaient pas étés retirés. Un groupe de renard traversèrent mon chemin. Semblant fuir quelque chose. En entendant des oiseaux s'envoler, je descendis de Nyrne, ma dague longue et recourbée en verre et acier à la main. « Chon ste hir ? » M'exclamais-je en m'attendant voir un membre du Trikru ou pire, de l'ordre du Riskines.

Je sors du sentier fait de sable pour m'enfoncer dans la forêt et je tombe nez à nez avec une jeune femme. A ses vêtements et sa façon de parler qui est autre que la mienne, je remarque qu'il s'agit d'une Skaikru. J'avais déjà pu voir sa présence dans le camps des siens lorsque j'espionnais avec mes éclaireurs. Que faisait-elle si loin de la boîte de métal ? Pouvoir l'approcher de si prêt me rend un peu nerveuse. Je ne réponds pas tout de suite à sa question. Mon visage est impassible et mon regard la toise. J'observe ses vêtements, ses chaussures, son sac et son visage du regard. Je l'analyse puis me redresse. L'envie me vient de la tester mais je garde le contrôle. Je baisse la main qui la menace de la dague mais la garde en main, méfiante. Je reste donc un instant silencieuse puis parle avec cet accent propre au peuple du feu. Les "r" roulés.

« Tu ne devrais pas être ici, Skaikru. » Déclarais-je alors d'une voix assurée en ne la quittant pas du regard. « Tu te rapproches beaucoup trop des Terres de Feu. »

Les éclaireurs m'avaient bien annoncés que le Skaikru n'étaient armés que de simples couteaux fais de métal. Est-ce qu'ils savaient s'en servir en combat ? Peut-être pas autant qu'un simple natif. Je voulais en savoir tellement plus sur le peuple tombé du ciel. La jeune femme ne savait rien de ce qui pouvait l'entourer et d'un certain côté, je souhaitais lui apporter connaissance. Ce que je savais sur la blonde était qu'elle semblait être une "haut placée".

« Il y a beaucoup de chose que tu ignores encore Clarke kom Skaikru. » Déclarais-je en rangeant ma dague dans ma ceinture. « Je suis Kisà, la reine de mon clan et des Terres de Feu. »

Je siffle afin que Nyrne vienne. La jument immaculée ne tarde pas à traverser la forêt pour arriver jusqu'à nous. Ses rênes sont faites en une longue étoffe rouge. Contrairement aux autres clans, le Fayakru n'a jamais eu besoin de selle pour monter un cheval. Sauf en cas de guerre. La jument portait également des peintures d'une couleur dorée.

« La Terre a toujours été habitée bien que Praimfaya nous a fait longuement souffrir... » Je lève le regard vers elle alors qu'il avait été attiré par cet étrange objet qui se tenait à son poignet. (la montre). « Es-tu la cheffe de ton peuple ? »

Petit rappel :

Enchanté ? Je ne comprends pas. Pourquoi prononçait-elle ce mot ? En quel honneur ? Je fronce légèrement les sourcils d'incompréhension. Cette Skaikru semblait venir d'une autre époque. Peut-être celle qui précédait Praimfaya ? Je ne comprenais pas. Peu importe, je me contente de hocher simplement la tête.

« Praimfaya ... Le premier feu ... La fin du monde de nos ancêtres. » Répondais-je.

Je l'écoutais attentivement. Nous avions bien observé ce peuple tombé du ciel. Nous savions que la blonde était la sagesse et que le brun était la guerre. Du moins, mes éclaireurs avaient vu ceci de cette façon. Était-elle digne d'en savoir un peu plus sur le monde qui l'entourait ? Elle était modeste et c'était un bon trait de caractère. Mais malheureusement, dans ce monde, il fallait toujours prôner la fierté avant l'humilité. Car la modestie était devenue une faiblesse.

« Nous existons depuis longtemps désormais. Il y avait douze clans auparavant mais une guerre à tout changé. Nous ne sommes plus que cinq aujourd'hui. En plus des Terres de braises du Fayakru, il y a les Terres glacées d'Azgeda, les Forêts sacrées du Trikru, l'Océan divin des Lanikru et les Plaines nourricières du Graungeda. » Expliquais-je.

J'analyse la jeune femme du regard encore une fois.

« Si tu penses au bonheur de ton propre peuple avant le tiens et si tes paroles sont écoutés, alors tu es la Haiplana de ton groupe. La reine. » Je lui tend alors mon poignet pour un salut respectif. Un véritable salut comme je l'aurais fait en rencontrant une autre Haiplana.

Est-ce que le skaikru avait a craindre pour sa survie ? Oui et pas uniquement à cause de nous mais à cause des animaux et des plantes. Est-ce que Isara, reine des glaces partagerait ma curiosité sur ce peuple ? Je désigne un arbre. Il portait le symbole de mon clan. Une tête de cheval simple et gravée dans l'écorce.

« Ton peuple est en territoire libre. Des symboles ont étés tracés sur les arbres environnant ton camps par mes éclaireurs. Cela te confère une protection contre toute offensive d'autres clans. Du moins, tant que vous restez à l'intérieur des runes. » Répondais-je honnêtement. « Mon clan m'obéit comme il a obéit à ma mère avant moi et mon arrière grand-mère avant elle. Alors, ne t'en fais pas trop pour moi. »  

Je l'écoutais et avait quelques difficultés à comprendre les raisons de son ricanement, mais j'y répond d'un simple mince sourire afin de ne pas sembler trop stoïque. Je finis par esquisser un véritable sourire puis lui confit :

« Ne te crois jamais en sureté, Clarke. Ne pense jamais qu'un natif n'est pas hostile. Nous le sommes tous et tellement plus que nous pouvons le sembler... » Déclarais-je mystérieusement. Je me souciais de son sort, c'était vrai. Parce qu'elle avait une force intérieure qui ne demandait qu'à se libérer. Je pouvais le voir et le sentir. « Tu as encore énormément à apprendre sur ce monde... » Je monte alors sur Nyrne puis déclare : « Je pourrais te l'apprendre si tu le souhaite. Mais cela ne tient qu'a toi. Tu peux prendre le risque de quitter ton peuple quelques jours en le laissant aux mains de ton ami pour revenir avec des connaissances. » Je lui adresse un regard. « Ou bien rester en sachant que le savoir ne viendra pas à toi. » Je la testais afin de savoir si elle était digne de savoir.

Pourquoi j'avais placé le territoire des délinquants sous protection ? Cela était encore flou pour moi. Ce que je savais, c'était ce que j'avais pu voir. Ils avaient fendu les airs comme poussés par une longue gerbe de flammes. La première pensée qui m'a traversé l'esprit ce jour ci fut : « C'est un signe... » Notre dieu était fait de feu, d'ombre et de lumière, il chevauchait le soleil et dominait les cieux. Pantéa, prêtresse de Felignis et amie personnelle ignorait encore la signification de cette venue étrange. Moi, je continuais à croire en ce signe. Et s'il ne s'agissait pas d'un test de la divinité Fayakru, je restais persuadée qu'il y avait quelque chose de bien plus important derrière l'arrivée du Skaikru. Une signification. Un sens. Les choses n'arrivaient pas comme ça, sans aucune raison. La vie était loin d'être une ligne toute tracée, c'était plutôt comme dans les rayons d'une toile d'araignée. Selon nos choix, le chemin changeait et la destinée se brisait pour se reformer.

« J'aime à penser que rien n'arrive par hasard. Les coïncidences n'existent que pour ceux qui ne se posent pas de questions sur la vie et les accidents n'existent que pour ceux qui n'ont pas eu la force de se dresser face à leur propre destin. Chaque acte, infime soit-il, cache une raison. Même si je peux concevoir que les sens ne soient pas toujours clairs comme de l'eau de roche... » Avouais-je pensive. « « De plus, le ciel s'est embrasé le jour de votre chute. Pour le peuple des flammes, il y a une connotation divine avec nos Dieux. Mais j'avoue que c'est plus par curiosité que j'ai délimité le territoire. Afin de pouvoir vous observer. M'assurer que vous n'étiez pas non plus un danger. »  

J'étais honnête dans mes paroles. Je me connaissais manipulatrice mais cela n'empêchait en rien la franchise d'une conversation. Ce peuple m'intriguait énormément. J'étais heureuse de pouvoir discuter avec la Heda Skaigeda. Mon regard se baisse vers sa montre une nouvelle fois. Je m'interrogeais. Nous avions déjà retrouvé ce genre de bracelet mais la sienne semblait bien plus « neuve ». Se pourrait-il que ce peuple vienne de la lignée des Maunons ? Non, c'était impossible … Les hommes de la montagne étaient morts et jamais le ciel ne s'était embrasés durant leur présence. Je redresse mon regard vers le sien. Clarke met une condition à sa venue, ce qui me paraît tout à fait normal. Même si je ne lui souhaitais pas de mal, accepter de venir seule et sur un territoire inconnu serait de la folie. Mes yeux océan la fixent un petit instant, pendant un léger silence. Son visage se ferme et je remarque qu'elle apprend vite à agir comme une Haiplana. Je hoche la tête.

« Ta condition est acceptée. » Un sourire un peu plus naturel vient retrousser les commissures de mes lèvres. « Tu peux venir avec quelques membres de ton peuple. »

Je ne voyais aucun danger chez ce peuple. Après une longue observation, ils avaient été déclarés « non dangereux » de par leur inaptitude au combat à l'arme blanche. Ce n'était pas un peuple de guerriers mais le danger pouvait venir justement de ça. Trop les sous estimer serait une mauvaise chose. Les éclaireurs voyaient leur ruse, leur intelligence et leurs capacité à se coordonner pendant les moments de chasse. Un natif aurait aisément le dessus sur un Skaikru mais nos manières de vivre étaient différentes. Je désignais son bracelet du menton.

« Qu'est-ce que c'est ? » Ma curiosité l'emportait. A quoi son bracelet lui servait ? Aux sein des natifs, même les bijoux avaient leurs propres utilités. Dissimuler un poison ou un antidote. Désigner un rang, l'importance d'une personne. Exactement comme nous utilisions les tatouages afin de nous reconnaître entre Haiplana, Heda, Gona ou encore Fisa. Mais cet objet, voulait il dire quelque chose ? « J'ai déjà vu un bracelet comme celui ci mais il était rouillé. » Ajoutais-je, intriguée.

Il était normal que j'accepte, sa condition était légitime et tout à fait normal. Hera n'aurait pas fait de même. Je savais même très bien que de proposer à ces nouveaux venus de venir en Fayakru pour en avoir plus ne serait pas apprécié. Mais c'était moi que le peuple avait choisit de suivre. Maintenant, il allait devoir me faire confiance. Je n'avais parlé à personne de cette décision. Je savais déjà qu'elle ne saurait être appréciée par la reine-mère et certains guerriers. Mais le Skaikru était là. Et je préférais agir pacifiquement plutôt que de montrer les crocs directement.  

« Et je te remercie d'accepter. » Déclarais-je en hochant la tête. Si elle avait refusé, peut-être que d'autres options moins bonnes m'auraient étés imposées. Cette rencontre nous permettrait de mieux faire connaissance. Ainsi je connaîtrais mieux le Skaikru et eux connaîtraient un peu plus ce qui les entouraient. Je savais que cette nouvelle se rependrait vite. Le Trikru et le Graungeda ne serait sûrement pas du même avis que moi. Je savais que je pouvais avoir confiance en la reine d'Azgeda. Pour le Lanikru, je demanderais probablement deux personnes que sa cheffe pourrait considérer comme étant de bonnes personnes afin qu'ils soient également au courant. « Je viendrais avec quelques hommes pour vous escorter. Par sécurité. Les autres clans seront vite au courant de cette rencontre. »  

Quand elle m'expliqua a quoi servait son bracelet, je comprenais mieux. Et je comprenais pourquoi c'était important pour elle de l'avoir. Mes doigts viennent tripoter un instant mon pendentif triangulaire représentant une dent acérée. Héritage du passé.

« Je comprends, je suis désolée pour ton père. » Lorsqu'elle me demande l'origine des tatouages, je lui explique alors : « Nos tatouages représentent nos rangs, notre importance, notre clan et le nombre de personnes que l'on a tué. Tous les clans en possèdent. Ca peut nous permettre de nous reconnaître durant une guerre. » Je monte agilement sur le cheval à mes côtés puis déclare avec un sourire. « Il faut que je retourne sur les Terres de Feu. Je te conseilles des vêtements légers lors de notre prochaine rencontre. La chaleur du désert ne pardonne pas. ».

Je comprenais pourquoi Clarke semblait tenir beaucoup à sa montre. Elle lui rappelait son père et honorer sa mémoire était un geste honorable à mes yeux. C'était encore une chose qui me prouvait que nous n'étions pas si différents. Je savais très bien que mon choix de faire venir quelques membres de son peuple à Sundaere serait mal vu par certains. Notamment ma mère. Probablement Shanya du Lanikru et le roi Kajivak d'Azgeda. Mais l'heure était venue d'agir. D'apprendre à se connaître. J'espérais réellement que cela fonctionnerait. Qu'il n'y aurait pas d'accrochages. Mais, je n'étais pas naïve. Je me doutais bien qu'il y avait beaucoup de risques dans ce que j'entreprenais. De plus, ma décision avait était prise sans le consentement de mes alliés, ce qui accentuait les risques. Je lui lance un mince sourire puis hoche la tête.

« Disons sept ou huit soleils. » Déclarais-je alors pour répondre à sa question. Environ une semaine serait suffisante pour faire les préparatifs et surtout ... Prévenir mes alliés. « Au revoir, Clarke kom Skaikru. »  

Je donnais un léger coup de talon à ma jument puis elle se mit à avancer. Passant du pas au trot puis au galop pour retourner à Keis.